Nous en avons profité pour lui demander des précisions sur sa solution ainsi que des conseils sur l’optimisation d’une veille marketing et concurrentielle dans notre première interview. Mais c’était l’occasion également d’échanger sur le sujet du moment : la consommation de ressources d’une solution numérique.
- Comment optimiser sa consommation numérique ?
- Quel impact sur la planète d’une solution demandant des ressources énergétiques considérables ?
- Quelles actions peuvent être mises en place dans une entreprise web ?
- Quel impact implique des changements écologiques sur sa clientèle ?
Ci-dessous suite et fin de l’interview de Sébastien Bernis répondant à ces questions écologiques et environnementales.
Réduire la consommation énergétique d’une solution en ligne
itis Commerce : Comment faites-vous pour réduire la consommation de ressources énergétiques auprès de vos clients ?
Sébastien B. : D’un point de vue consommation de ressources, ce n’était pas pertinent pour nous d’encourager nos clients à aller tous les jours sur notre solution. Pourquoi ? Tout simplement parce que dès fois, ils n’ont pas besoin d’avoir toutes ces informations. Ça leur prend du temps, ils n’en ont pas forcément non plus à y consacrer.
Mais surtout il faut avoir conscience qu’à chaque fois qu’on interagit avec l’espace numérique, on consomme des ressources numériques. C’est trivial, mais à chaque fois que vous chargez un tableau de bord, une page d’un site web ou une vidéo, en fait vous faites une requête depuis votre ordinateur ou votre smartphone à un datacenter, un service distant, qui va se connecter à Internet, qui va récupérer d’un autre datacenter cette donnée et qui va la rapatrier via Internet, via des fibres optiques etc. qu’il a fallu poser dans le sol et fabriquer. Puis cet autre datacenter les ramène à votre datacenter. Cela revient dans votre terminal et là vous affichez seulement les données.
Mais en réalité, ce trajet de l’information, il est particulièrement gourmand en énergie. Déjà pour faire fonctionner les datacenters, il faut de l’électricité à court terme. Mais comme vous venez de comprendre, pour fabriquer votre smartphone, votre terminal, vous avez consommé des ressources planétaires. Pour poser la fibre optique, c’est le cas aussi. Le datacenter c’est énorme, et puis le site distant que je consulte, il a aussi besoin de ressources électriques pour fonctionner et donner cette réponse.
Donc en fait, la moindre demande, le moindre accès, consomment énormément de ressources. L’idée c’était alors de ne pas forcément demander à nos clients d’accéder à notre solution s’il n’y avait pas de besoin. Ce qu’on a fait, c’est qu’on a mis en place, de manière tout à fait évidente et triviale, un système d’alerte par e-mail beaucoup plus léger en termes de quantité de données.
Tous les matins, en fait, on avertit notre client sur les prix qui sont intéressants, où il est susceptible d’aller interagir sur ses prix parce qu’il peut gagner de la marge et être plus compétitif. Mais aussi interagir sur les nouvelles bannières qui sont sorties, les nouveaux emails qui sont sortis, etc.
En fait, dans un seul email, il peut potentiellement se suffire à lui-même pour la journée. Il a eu ses éléments, il sait à peu près ce qui se passe et s’il n’y a pas de warning particulier, il n’est pas obligé d’aller consulter la solution. Mais on est même allé jusqu’au bout de cette logique.
Quand il ne s’est rien passé, typiquement le lundi matin, en général il ne se passe rien car les commerçants ferment le dimanche, il n’y a pas de rapport particulier. S’il n’y a rien, on envoie rien au client. Alors au début, il nous appelle pour nous dire : “Ah j’ai rien reçu, ça marche pas, il y a un problème.” On lui explique que s’il ne reçoit rien, c’est qu’il n’y a rien à dire et on n’envoie pas un truc vide pour ne rien dire. Du coup, il doit nous faire confiance. Il n’a pas besoin d’y réfléchir.
C’est vraiment un autre mode de désaddictions aussi à la notification. C’est dans la pensée globale de dire “non, non, je te sollicite que s’il y a besoin. Et s’il n’y a rien à dire, je ne dis rien”. Cela évite de perdre du temps, de la salive et de la ressource numérique. C’est comme ça qu’on a orienté notre solution avec juste de l’opérationnel.
Exemples d’actions quotidiennes écologiques professionnelles
itis Commerce : Toute l’équipe PriceComparator est très engagée pour réduire son impact écologique. Vous avez été d’ailleurs reconnus par l’ADEME. Quelles sont vos actions quotidiennes ?
Sébastien B. : Ce sont vraiment des choses qui m’étaient personnelles au départ. C’est-à-dire que j’avais une vraie volonté éthique de me préoccuper de notre impact écologique. C’est une démarche personnelle à la base, j’avais vraiment envie notamment avec la naissance de mon fils de le nourrir correctement. J’ai décidé qu’il était allergique aux pesticides. Donc il est né avec du lait biologique et depuis il est nourri qu’avec de la nourriture biologique. Donc c’était aussi une espèce de déclencheur. Donc, au-delà de cette dimension personnelle, ma vocation au départ en tant qu’agence digitale, au moment où j’ai créé cette solution, c’était de rationaliser le marketing, c’est-à-dire d’en faire moins mais mieux.
C’était vraiment du bon sens. Si je me renseigne bien sur tout ce qu’il y a autour pour mon client, je vais lui proposer de faire des campagnes qui sont pertinentes. On va l’envoyer peut-être à uniquement des personnes qui sont intéressées, avec une offre qui est intéressante, pas plus chère que les autres si possible. Donc c’était vraiment une histoire de rationalisation pour faire mieux avec moins.
En fait ce qui s’est passé, c’est que l’automatisation avec des robots – comme je l’expliquais chaque interaction numérique génère une pollution puisqu’elle consomme des ressources – en fait les robots qu’on a utilisés, pour faire cet éventail de veille, on a sollicité l’ADEME et Green Haïti justement pour faire un audit sur notre impact écologique. On s’est alors rendu compte qu’on faisait plus de mal que de bien en quelque sorte.
C’est-à-dire que nos robots consommaient des tonnes de CO2 pour faire du marketing plus propre. C’était vraiment pas possible pour moi. C’était totalement antinomique. Il fallait faire un choix en quelque sorte. J’ai vraiment hésité, très sincèrement, à arrêter de faire ça parce que ça n’avait pas de sens.
Mais grâce à cet audit et aux préconisations qu’on a eu, on a pris en fait les mesures qui étaient préconisées, on les a mises en œuvre. On a alors éduqué nos robots pour qu’ils ne demandent au datacenter que ce dont on avait vraiment besoin.
Il faut comprendre qu’un robot, quand il vient sur une page, il se comporte comme un humain. Il va charger la page toute entière. Une page toute entière, c’est du texte, mais des photos, des animations, des trucs qui bougent, des polices de caractères… Tout ça, cela prend du poids, cela consomme des ressources. Et en fait, quand vous faites cette requête, pour que vous la voyez sur votre terminal, cela signifie qu’elle a fait tout le trajet de la fibre optique, l’aller pour faire la demande, le retour pour l’amener jusqu’à vous.
On a décidé de dire à nos robots : “Quand tu vas faire la demande, tu ne demandes pas tout, tu demandes seulement la partie texte.” Parce que ce qui nous intéresse, c’est le prix, donc juste quelques caractères de texte. En éduquant nos robots de cette façon et en leur expliquant qu’il fallait faire mieux, on a divisé par 400 notre empreinte carbone. A notre échelle, c’est extrêmement important et pourtant, on est une toute petite start-up sur la planète Internet. On est vraiment un échantillon. Donc on n’ose pas trop imaginer l’impact de très grosses boîtes.
Mais si vous avez en tête qu’une requête Google produit dans l’atmosphère 7 grammes de CO2 équivalent, c’est-à-dire quand vous tapez les choses dans votre case blanche de Google, vous faites “Rechercher”, vous venez de produire 7 grammes de CO2 équivalent. Parce qu’il a fallu fabriquer le terminal sur lequel vous venez de taper.
Certes, c’est un quart de dixième de seconde mais c’est un quart de dixième de seconde de fabrication de cet appareil et de son recyclage derrière + la pose de la fibre optique = un quart de dixième d’utilisation + datacenter… C’est pour ça qu’à la fin, cela représente des quantités de CO2 qui sont très importantes.
C’était vraiment impossible de faire autrement. Soit on faisait les choses bien de A à Z, soit on les faisait pas.
Qu’est-ce que l’écoconception ?
itis Commerce : Et cette prise de conscience, elle a été salvatrice pour toi ? Et pour PriceComparator ?
Sébastien Bernis : Cette prise de conscience et cette mise en œuvre derrière, c’est vrai qu’elle a été salvatrice. Parce que cela nous a permis de décider de continuer l’aventure. Mais surtout, elle nous a projeté vraiment comme un porte-parole de l’éco-conception.
L’éco-conception, c’est comme ça que cela s’appelle. Puisqu’on éco-conçoit nos logiciels.
Pour donner une idée, quand on fait un programme informatique, c’est presque toujours à base de boucles : “Si il se passe ça, alors je mets ci et s’il se passe autre chose alors je mets ça.”
Quand vous codez les choses avec des patchs, un peu comme quand vous faites une mise à jour de Windows, vous voyez comme la lourdeur et la lenteur augmentent. En fait simplement on ajoute des boucles supplémentaires sur un code au départ qui a déjà pas mal de boucles. Ce n’est pas forcément très optimisé ces mises à jour et ces patchs.
Quand on réfléchit à l’ éco-conception, on réfléchit tout à fait différemment. On a alors entièrement revu notre logiciel. La version est sortie il y a 2 ans, la version 1 avait 4 ans d’ancienneté. Et on avait bossé pendant 2 ans sur cette version pour sortir quelque chose qui est vraiment tout à fait différent en termes d’approche et donc réfléchir différemment pour qu’elle consomme beaucoup moins de ressources.
On a aujourd’hui des gains en termes de coûts d’infrastructure, c’est-à-dire que les logiciels que nous développons sur nos serveurs et nos datacenters, on a calculé et c’est de l’ordre de 10 fois moins que ce qu’on aurait eu si on n’avait pas fait de l’éco-conception. Cela nous coûte 10 fois moins en serveur que si on l’avait pas fait. Donc quand vous avez des gros budgets, les infrastructures cloud, ça va vite en milliers ou en dizaines de milliers d’euros.
Quand vous commencez à diviser par 10, vous savez que vous allez dans la bonne direction. C’est bon pour la planète, c’est bon pour votre budget et surtout pour nous, cela a vraiment donné du sens à cette activité.
Au départ du Marketing, c’est pas forcément hyper sexy. Pourtant, aujourd’hui on est vraiment sollicité très souvent pour nos travaux en éco-conception et on devient vraiment un étendard. Coralie Dubost, la député de l’Hérault qui était en charge de de la loi PACTE sur la partie RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), nous sollicite souvent pour aller à l’Assemblée Nationale et expliquer aux dirigeants des très grosses CAC40 françaises qu’il faut quand même réfléchir un peu à ce sujet.
Mettre une petite graine qui va peut-être germer. Mais j’ai vraiment pris du plaisir à faire cette intervention auprès des patrons de Danone, d’EDF. Je leur ai raconté cette histoire-là.
Franchement, ils étaient à 10 000 années-lumière de comprendre de quoi ça parlait. Mais j’ai eu vraiment beaucoup de retours sur de l’éveil. En fait, j’ai éveillé les consciences des gens qui ont fait : “Ah mince, on ne savait pas”.
Prise de conscience écologique chez les clients
itis Commerce : Vos clients sont-ils sensibles à votre impact écologique ? Est-ce qu’il travaille avec vous pour cet engagement pour la planète ?
Sébastien B. : Oui et non. C’est-à-dire que c’est clairement un plus dans les approches. On va vraiment marquer les esprits ou en tout cas, les consciences personnelles des gens avec qui on travaille. Par contre, ce n’est pas une logique économique pure et de ce fait, j’ai vraiment plusieurs exemples en tête.
En fait, les personnes physiques ont adoré vraiment la philosophie, l’éthique, la mesure de l’impact, le poids que cela a pour leur avenir, leur famille, leurs enfants… une vraie prise de conscience et dans le même temps, dès qu’on repasse en mode décisions business professionnelles, cela ne fait plus partie de la grille, on va repasser sur un mode rentabilité, calcul, notoriété.
Ils nous disent alors “Vous êtes une plus petite société par rapport à un très gros. Certes ils font un petit peu n’importe quoi, mais bon on a un peu plus confiance.” Alors qu’on existe depuis 6 ans, tous nos clients sont hyper contents. Leur taux de rétention est de plus de 90%. Tout va bien. En fait, c’est surtout du lobby et finalement, on passe à côté de l’appel d’offres.
Alors que la personne était convaincue que notre solution était la meilleure réponse. Mais, en fait, au dernier moment, ils vont choisir une grosse agence hyper connue, qui a récupéré plein de marché et qui va faire potentiellement n’importe quoi avec la planète.
Avant que cela éveille les consciences professionnelles, il va se passer encore un peu de temps. C’est une histoire d’une ou deux générations je pense. Mais à la base, je ne l’ai pas fait pour gagner des clients.
Je l’ai fait parce que ça fait partie de mon ADN, parce que ça me fait plaisir et parce que ça me permet de dormir la nuit. Je me dis que c’est un investissement pour le futur.
En plus, je suis convaincu que les appels d’offres publics comme privés vont intégrer des variables tôt ou tard d’éco-responsabilité. Dans tous les cas, c’est une bonne chose, je n’ai pas d’inquiétude et j’ai la conscience extrêmement tranquille avec moi-même.
Au-delà des aspects économiques, éthiques et personnels que je viens d’énoncer, le fait le plus marquant est la culture d’entreprise que cela a générée dans la société. Evidemment, la politique RSE dans la société est vraiment marquée, mais parce que ça fait partie de ce que j’aime faire. Donc cela signifie
- véhicules électriques en termes de flotte,
- pas de bouteilles d’eau plastiques,
- on trie nos déchets dans le bureau, il y a plusieurs poubelles.
- Et on fait beaucoup de formations. On éduque, y compris nos salariés.
Tout cela est assez cohérent. Mais pour aller plus loin, c’est aussi
- payer les fournisseurs en temps et en heure
- payer les salariés avant le 31 du mois
- …
Et, la partie éco-conception a donné vraiment du sens pour la société, notamment aux développeurs informatiques qui sont vraiment en recherche de sens pour leur activité.
Ils codent des logiciels et tous les logiciels se ressemblent : ils codent des lignes qui affichent des choses et ils traitent de la data. Ce n’est pas forcément très différenciant. Et là, par contre, on a trouvé vraiment un élément qui est différenciant.
Par exemple, on a des facilités pour recruter alors que vraiment, c’est un métier en tension, avec des salaires qui sont vraiment en train d’augmenter, de manière assez déraisonnables parfois. Tout simplement parce qu’il y a une pénurie d’offres de personnes compétentes diplômées et capables de coder correctement par rapport à la demande très importante.
C’est vrai que la culture d’entreprise nous permet dès aujourd’hui de recruter et de conserver des gens qui se plaisent au boulot. Ils sont contents de venir et sont même fiers de participer au projet. C’est une vraie promesse au quotidien de bien-être et c’est propice à développer l’activité.
C’est gagnant-gagnant, c’est tout bénef’ pour tous.
Conseil Ultime de Sébastien Bernis
itis Commerce : Pour finir cette interview Sébastien, quel est le conseil ultime que tu te donnerais aujourd’hui ? Quelle est ta bonne pratique à conseiller ?
Sébastien B. : Il y a un truc qui serait sympa pour toutes les entreprises. C’est de rajouter dans leurs critères de sélection, l’impact carbone des solutions qu’elles achètent. Ce serait vraiment intéressant. Il n’existe rien aujourd’hui et il pourrait faire peur. Je pense à des très grosses boîtes, des très gros CRM ou ERP, des logiciels de gestion clients ou de gestions d’entreprises, qui sont anciennes en termes de conception et qui, forcément, n’ont pas intégré de l’éco conception. Quand cela ne va pas assez vite, on rajoute des processeurs et de la mémoire. En effet, il suffit de rajouter un peu d’argent et cela compense le code redondant et certainement pas optimisé.
Pensez à cela, quand on est une entreprise et qu’on doit acheter un logiciel, on peut commencer à réfléchir à l’impact de ce qu’on achète. Pas seulement en termes de fonctionnalités, de prix et d’infrastructure. Mais quand je charge l’appli pour mes commerciaux sur le terrain, combien de données télécharge-t-elle ? Est ce que c’est 1 méga ou 10 mégas ? Parfois, il y a des ratios de 1 à 10 qui sont faciles à éviter. Ce serait plutôt une réflexion globale sur le métier.
Concernant les bonnes pratiques, quand on est e-commerçant, je peux donner un conseil de sérénité. Si vous voulez que vos clients soient satisfaits de votre site, qu’ils achètent vos produits, il faut qu’il soit content de l’expérience client. Il faut que vous sachiez ce qu’il y a chez les autres pour proposer la meilleure expérience client. Cela passe par des prix mais pas que.
Cela peut être
- le moyen de paiement
- le nombre de clics de votre entonnoir de conversion
- des éléments qui sont aussi techniques : est-ce que vous passez par un bon prestataire pour votre site en ligne ?
Toujours penser global, penser tendance. Quelle est la tendance du moment ? Pour ma part, je pense qu’elle sera en effet éthique et responsable.
C’est plutôt comme ça, que j’ai envie de conclure. C’est-à-dire, si vous avez envie de développer votre activité, soyez bienveillant avec tous vos partenaires, vos salariés et vos clients. Et de fait ça ira avec la planète.
Merci à Sébastien Bernis pour cette interview complète et enrichissante !
Pour connaître la première partie de l’interview sur l’automatisation de sa veille concurrentielle et marketing, c’est disponible par ici -> Pourquoi la veille concurrentielle tarifaire est-elle essentielle en e-commerce ?
Et vous, avez-vous mis en place des actions RSE, écologiques ou environnementales dans votre entreprise ?
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